Tout savoir sur le métier de Responsable relations institutionnelles

Charlotte Marelli est Responsable relations institutionnelles pour le groupe La Poste. Dans cet article, elle revient sur son parcours, son métier et sur les enjeux affaires publiques du groupe La Poste en période de crise sanitaire.

Une interview aussi intéressante que rafraichissante !

Devenir Responsable relations institutionnelles

Comment es-tu devenue Responsable des relations institutionnelles du groupe la poste?

Le choix de Science Po et l’importance des stages

Science Po fut un choix réalisé très tôt, dès la première. J’ai raté les concours d’entrée en première année. J’ai donc fait une classe prépa, puis je suis rentrée directement en deuxième année à l’IEP de Lille. 

J’ai toujours voulu faire le plus de stage possible. J’ai joué cette carte à fond, même lors de mon année à l’étranger. Cela m’a permis de faire valoir de l’expérience professionnelle en arrivant sur le marché du travail, puis de toucher à toutes les branches du policy-making (collectivité, think tank, entreprise, cabinet d’affaires publiques, etc.).

Faire des stages est une excellente façon de choisir ce que l’on ne veut pas faire. 🙂

J’ai découvert l’existence du lobbying en cabinets d’affaires publiques. J’ai réalisé que c’était un métier avec des outils, des processus et surtout une valeur pécuniaire, car le travail est associé à une facturation précise au client.

Pour autant, je n’ai pas voulu faire un Master affaires publiques car je comprenais qu’il se destinait plus aux personnes souhaitant intégrer la haute administration. J’ai donc opté, également par convictions, pour un master franco-britannique en affaires européennes.

Cela m’a permis de découvrir que le lobbying national est indissociable de l’échelle européenne. J’ai aussi réalisé que je voulais passer du côté de l’entreprise. Animée par les enjeux d’intérêt général et européens, j’ai privilégié un secteur communautarisé pour sa nature européenne indéniable, et où ce faisant, la place de l’Etat était centrale.

De la Direction des affaires publiques du groupe Aéroports de Paris à la Direction des relations institutionnelles de la Poste

J’ai rejoint le groupe Aéroport de Paris, dans une direction des affaires publiques créée depuis 2 ans. Cela m’a permis de me confronter très vite à la question de la place d’une telle direction dans une entreprise, la définition de stratégies avec une place particulière de l’Etat et le développement de prises de positions nationales et européennes.

Après cette expérience, j’ai voulu continuer dans cette démarche. Cela m’a conduit au groupe La Poste, où notre activité quotidienne est articulée autour de nos 4 missions de service public:

  • Le service postal universel (= la collecte et distribution du courrier sur l’ensemble du territoire).
  • L’aménagement du territoire (= l’accessibilité aux points de contact postaux).
  • Le transport et la distribution de la presse.
  • L’accessibilité bancaire.

La campagne Présidentielle

Entre les groupes ADP et La Poste, j’ai également participé à la campagne présidentielle. En tant que jeune diplômée en sciences politiques c’était une expérience enrichissante. S’investir dans une campagne permet d’affiner son sens politique en se confrontant aux problématiques du terrain et des élus.

Je recommande vraiment à tous les étudiants qui souhaitent faire des relations institutionnelles de s’investir dans les campagnes électorales.

D’abord, car la politique reste au centre du métier et à titre personnel c’est ce qui le rend passionnant, ensuite, car cela permet d’approfondir son appréhension des rapports de force et de leurs fonctionnements.

Pourquoi le groupe La Poste a-t-il besoin de lobbyistes ? 

La Poste a besoin de lobbyistes comme toute entreprise de sa dimension. Même si La Poste ne voulait pas faire de lobbying, elle serait obligée de s’organiser pour répondre aux sollicitations publiques de l’État, des parlementaires et même de certaines entreprises.

De part sa raison d’être et sa taille, La Poste a un impact sur de nombreuses personnes. En tant que grande entreprise détentrice de missions de service public, il est nécessaire et souhaitable qu’elle représente ses intérêts.

Lobbying et services publics 

A ce titre, je m’occupe plus particulièrement du champ des 4 missions de service public du groupe et notamment de la relation de tutelle que l’Etat exerce sur celles-ci.

Pour ce faire, il existe un contrat d’entreprise pluriannuel qui définit les engagement mutuels et réciproques de l’Entreprise et de l’Etat en la matière. Il cadre notamment nos obligations et le montant de nos compensations financières pour l’exercice de ces missions.

C’est une partie méconnue des affaires publiques, mais qui existe pour toutes les entreprises exerçant des missions de service public. Ainsi, au titre de la tutelle que j’évoquais mais aussi de l’importance du secteur, il existe des équipes administratives dédiées à nos activités. Ce positionnement est intéressant car il permet une interaction relativement soutenue. 

Quelles sont tes principales difficultés dans ce dialogue avec l’Etat?

In fine la difficulté est la même que pour les autres secteurs: la visibilité limité qu’il est possible pour l’Etat de partager sur le déploiement de ses politiques publiques, la gestion des calendriers politiques, l’alignement de la prise de décision, etc.

Inversement, sur le développement de nouvelles activités dans un champ concurrentiel il nous faut parfois être encore plus convaincants que les autres compte tenu de nos positionnements historiques.

Les missions de service publique sont l’ADN de l’entreprise même si elles doivent évoluer avec leur temps. Cela implique d’assurer une cohérence de discours et de stratégie avec les autres activités et l’ensemble des branches du groupe.

Le day-to-day d’une Responsable relations institutionnelles

Créer du lien

Beaucoup de réunions, car le lobbying n’existe pas sans coordination interne et échange d’informations. Le lobbyiste n’existe pas sans les autres métiers de l’entreprise. Un lobbyiste est avant tout un coordinateur chargé d’apporter de la cohérence et de la vision.

Il y a également une forte activité de veille pour être dans l’anticipation, informer les métiers et créer des liens.

La Cour des comptes

Je m’occupe également de la relation avec la Cour des comptes. Pour une entreprise de la taille de La Poste, l’année dernière, j’ai été amenée à superviser la conduite de 7 enquêtes de la Cour. Autre partie méconnue des affaires publiques, elle implique elle aussi un fort enjeu de coordination en interne.

Compte tenu de la place de la Cour des comptes dans notre pays, par exemple les parlementaires peuvent lui demander de mener des enquêtes, celles-ci ont une place indéniable dans une stratégie d’affaires publiques.

Le mythe des soirées petits fours

D’une manière générale, on passe beaucoup plus de temps à préparer les rendez-vous qu’à les faire.

J’effectue aussi beaucoup de relectures et de rédactions. Que ce soit pour la prise de décision ou la représentation d’intérêt, le lobbying passe avant tout par la capacité à produire de l’écrit.

Le pôle doctrine

En ayant 4 missions de service public, La Poste est très mâture en matière de régulation. Cela nous permet notamment de disposer d’un pôle doctrine qui contribue à cette production de l’écrit. C’est très précieux quand on se met en capacité de répondre par exemple à des consultations publiques aux échelles nationales et européennes. Cette maturité permet de s’assurer de la robustesse de nos positions.

Surtout, en choisissant de disposer d’une équipe de doctorants en économie, nous nous donnons les moyens d’être dans l’anticipation des problématiques de demain.

Quelles différences entre le plaidoyer, affaires publiques et relations institutionnelles? 

C’est débat structurant et d’actualité au sein de la communauté des lobbyistes. En tant que Vice-présidente des jeunes lobbyistes en charge des groupes de travail, j’accompagne deux adhérents qui ont d’ailleurs décidé de mener une étude sur le sujet. 

Nous partons du constat que le terme lobbying est trop souvent, si ce n’est toujours, employé de manière péjorative en France, tant au regard des méthodes que des sujets.

A l’inverse, dans la loi Sapin II, la représentation des intérêts par les ONGs entreprises et associations est juridiquement indistincte.

Il y a donc une recherche à mener sur les raisons de cette prétendue dichotomie.

Marketing politique et enrobage

À titre personnel et d’un point de vue macro, je pense qu’il s’agit de la même chose dans le sens où notre but est commun et que nous utilisons les mêmes outils: cartographie, notes de position, prise de rdv, etc.

En anglais, et à l’échelle européenne cette distinction n’existe pas vraiment et on parle d’advocacy. Je peux comprendre la volonté de distinguer, souligner les subtilités du métier, mais à ce stade il me semble que les acteurs feraient mieux de se concentrer sur la reconnaissance du métier plutôt que d’essayer de faire distinguer ces spécificités. Il y a un enjeu démocratique à faire reconnaître qu’il est normal et souhaitable que les décideurs écoutent et consultent les parties-prenantes à une décision. L’exhaustivité et la généralisation de cette écoute devraient être prioritaire.

Par ailleurs, que ce soit une association ou une entreprise, si elle est prête à embaucher un responsable de plaidoyer ou d’affaires publiques, elle a déjà pris conscience de l’importance de faire représenter ses intérêts.

À partir de ce moment là, insinuer que ca ne relève pas d’un même coeur de métier c’est quasiment du marketing.

La maturité des directions affaires publiques

Ma conviction sur la nécessité de se concentrer sur la reconnaissance du métier est liée à la taille relative de ce marché de l’emploi. Si on regarde l’ancienneté, la taille et la structuration des directions d’affaires publiques en entreprise, on réalise que la professionnalisation est en cours. Certaines, affichent ainsi de plus en plus une direction dédiée.

Si on considère qu’il existe une réelle différence entre les affaires publiques et le plaidoyer, il pourrait être très intéressant de voir si une structure qui décide de recruter un chargé de plaidoyer se refuse d’embaucher quelqu’un qui a travaillé en affaires publiques et inversement.

Quel a été l’impact de la covid-19 pour le groupe La Poste?

Côté business

Nous avons rencontré une accélération de la chute des volumes de courriers avec une perte de la moitié des flux habituels.

Inversement, nous avons gagné des parts de marché sur l’activité du colis. Avec le boom du E-Commerce, on possède aujourd’hui plus de la moitié des parts de marché du colis dans l’hexagone. 

Si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à lire cette interview de Philippe Wahl sur la nécessité de redéfinir le service postal universel.

Mesures sanitaires vs Missions de service public

En tant qu’entreprise en charge de missions de services publics, nous nous sommes adaptés pour assurer la continuité des services tout en préservant la santé des postiers.

Cela a par exemple permis d’assurer le versement des prestations sociales à 1 million et demi de personnes en situation de d’accessibilité bancaire. Pourquoi ? Car une des quatre missions implique l’accès universel et gratuit au livret A comme support de bancarisation. Autrement dit, nous permettons l’ouverture gratuite d’un livret, qui permet de réaliser des opérations de dépôts et de retraits à toute personne qui en fait la demande et enregistrons des opérations. Dans les faits, cette situation de pré-bancarisation s’accompagne du déploiement d’un écosystème d’accompagnement des personnes qui passe par l’accès au bureaux de poste.


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