Coline Ach vient de passer un peu plus de 3 ans au Parlement européen. D’abord assistante parlementaire de Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy, elle est ensuite devenue Secrétaire générale de la délégation française du groupe politique S&D.
Dans cette interview, Coline revient sur son parcours, le métier d’assistant parlementaire et nous livre certaines anecdotes sur le Parlement européen. Une plongée vivifiante en plein coeur de la Bulle européenne !
Devenir assistant Parlementaire
Comment devient-on assistant parlementaire ? Peux-tu nous raconter ton parcours ?
Mon parcours est très classique : je suis diplômée du Master 2 “Politiques européennes et affaires publiques” de Sciences Po Strasbourg et j’ai effectué mon stage de fin d’études à Bruxelles dans le bureau de la région île-de-France.
Je suis entrée une première fois au Parlement européen via un stage après mon diplôme. Ensuite grâce aux contacts et à mon réseau, j’ai su qu’une députée socialiste recherchait rapidement un.e assistant.e parlementaire en commission LIBE. Tout ça prend du temps ! Il m’a fallu 1 an à la suite de mon stage avant de retrouver un poste au Parlement.
Pourquoi es-tu devenue assistante parlementaire ? Quelles sont les motivations qui t’ont poussées à entrer en politique ?
J’ai toujours été passionnée par le combat et les débats politiques; je ne me voyais pas faire autre chose que le Parlement européen quand je suis arrivée à Bruxelles. C’est également gratifiant de travailler pour une cause qui vous semble juste.
Pourquoi avoir choisi le Parlement européen et pas l’Assemblée nationale ?
J’ai très rapidement décidé d’étudier les politiques européennes et le droit européen plutôt que le français; probablement car c’est plus excitant de travailler avec autant de nationalités.
Assistant Parlementaire un métier complexe
Concrètement, à quoi ressemble la journée d’un assistant parlementaire?
Déjà, il faut savoir que c’est très variable d’un député à l’autre selon son implication et le nombre de dossiers traités…
En ce qui me concernait : gestion de l’agenda de la députée / préparation des réunions de la commission parlementaire (ce qui signifie qu’il faut lire les propositions de la Commission européenne qui y sont présentées, vérifier les positions des membres de votre groupe politique, préparer l’intervention de la députée en réunion) / vérifier toutes les listes de vote et si nécessaire, écrire une liste de vote différente de celle de votre groupe / lorsque vous êtes rapporteurs ou rapporteurs fictifs : écrire les amendements et assurer les négociations pour votre groupe, etc.
Ma députée était cheffe de la délégation française; je la soutenais également dans cette tâche en rédigeant, par exemple, les courriers écrits au nom de la délégation ou en la préparant sur les grands dossiers politiques tels que le Brexit ou les accords commerciaux. A cela s’ajoute la rédaction des interventions en plénière et la gestion des médias sociaux et des interviews. Les journées peuvent être très longues …
Quelles sont les qualités à avoir pour être un bon assistant parlementaire?
Etre rigoureux, organisé, capable de travailler dans l’urgence et surtout, supporter le stress. Travailler pour des hommes et femmes politiques peut s’avérer difficile de part la nature de la relation qui s’établit entre vous et eux – ce ne sont pas seulement vos supérieurs hiérarchiques, ce sont des élus. Il faut également assumer en permanence la responsabilité politique de leurs moindres gestes/tweets/votes.
Avec le recul, quel regard portes-tu sur les 3 années que tu viens de passer en tant qu’assistant au Parlement européen?
Je réalise que j’ai eu de la chance de pouvoir vivre une telle expérience professionnelle.
Quel est ton meilleur souvenir au Parlement européen?
Le vote du rapport de ma députée sur l’adhésion de l’UE à la Convention d’Istanbul; c’était en plénière à Strasbourg en septembre 2017.
L’aboutissement de centaines d’heures de réunions, de milliers de mails et surtout de beaucoup de stress. A la fin de la journée avec ma députée, nous sommes allées boire une coupe de champagne.
La scène la plus surréaliste à laquelle tu as-tu assister au Parlement ?
Deux députés qui se sont battus dans le Parlement européen à Strasbourg; l’un d’entre eux a dû être hospitalisé. Je crois qu’ils étaient du même groupe politique.
Aurais-tu un conseil pour ceux qui souhaitent devenir assistant parlementaire?
Il me semble qu’il y a deux portes d’entrée pour travailler pour un député: soit vous êtes un militant politique, soit vous avez une compétence/une spécialité sur les commissions dans lesquelles ils siègent. Ciblez en fonction de cela.
Commission parlementaire, lobbyistes, journalistes et droit des femmes
Que faisais-tu exactement au sein de la Commission LIBE ?
La Commission LIBE traite de l’espace de liberté, de sécurité et de justice : asile et migration, droits fondamentaux, lutte contre le terrorisme ou encore Schengen.
Le travail consiste à suivre l’ensemble des dossiers qui sont traités et votés au sein de cette commission – étudier les propositions de la Commission, préparer des amendements, travailler conjointement avec les autres députés du même groupe, préparer les listes de votes.
Sur certains dossiers, c’est votre député qui est chargé de représenter son groupe en tant que rapporteur ou rapporteur fictif. Dans ce cas, à vous de définir la position et de la défendre auprès des autres groupes politiques; ce que j’ai fait sur les rapports relatifs aux droits des femmes et à la Charte des droits fondamentaux.
Quel est le dossier dont tu es le plus fière ?
Je choisis le droit d’asile et le fameux Règlement de Dublin. Pendant des mois, le Parlement a travaillé à une révision de ce Règlement dépassé et a fini par adopter un bon compromis qui permettait de régler durablement les problèmes rencontrées par les pays de première entrée – l’Italie ou la Grèce.
Voilà une réponse concrète à un sujet majeur qui fait la une de l’actualité. Malheureusement, ce compromis a été bloqué par les Etats membres quelques mois plus tard.
Je garde à l’esprit que le Parlement, qui est traversé par les mêmes courants politiques que le Conseil, avait une solution législative dès 2017.
Quelles relations entretiennent les journalistes et les assistants parlementaires ?
Relations très cordiales: ils arrivent que les journalistes soient mieux informés que les assistants eux-mêmes donc ce sont des bonnes sources d’information. Aussi, les députés européens sont moins exposés que les députés nationaux ce qui permet de travailler de manière apaisée.
Comment travailles-tu avec les lobbyistes ?
Les relations sont également cordiales mais il faut être plus attentifs. Dans mon groupe politique, tous les rendez-vous sont déclarés – même ceux en dehors du Parlement et même s’il s’agit de prendre brièvement un café.
Il ne faut jamais prendre d”ordre” d’un lobbyiste ou copier/coller des amendements ou une partie d’un discours…c’est très dangereux politiquement.
La relation dépend aussi du sujet que vous traitez : j’ai été plus “cool” avec les lobbyistes des droits des femmes par exemple qu’avec les lobbyistes travaillant sur la pêche car en ce domaine, les enjeux financiers sont immenses.
Tu viens de démissionner de ton poste, pourquoi ?
Je suis arrivée au bout de ce que le Parlement européen pouvait m’apprendre. Si les sujets varient en fonction de l’actualité, et c’est passionnant!, la technique parlementaire et les fonctions du travail d’assistant parlementaire restent toujours les mêmes.
De plus le seul inconvénient de ce travail est l’absence d’évolution professionnelle au sein du bureau; à part devenir député soi-même 🙂
Quelle est la prochaine étape ?
La France présidera le Conseil de l’UE de Janvier à Juillet 2022 : objectif Paris !
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