Rémy Petitot fut l’emblématique assistant parlementaire de Françoise Grossetête. Il est aujourd’hui Responsable des affaires publiques du laboratoire BIOGARAN.
Dans cet article, il revient sur son parcours et nous explique comment il est passé du Parlement européen aux affaires publiques d’un laboratoire pharmaceutique français.
Travailler au Parlement européen
Comment es-tu devenu assistant au Parlement européen?
J’ai commencé mes études par une double licence en droit et en langues à l’université de Grenoble. C’était plutôt orienté droit public/international. Dès le début de mes études, j’avais une appétence pour la dimension européenne.
J’ai ensuite réalisé un master en affaires européennes à l’IEP de Grenoble, durant lequel j’ai fait un semestre à l’étranger. Cela a aiguisé mon appétit et j’ai terminé mes études à Maastricht, avec un master en European Public Affairs. Il s’agissait d’un master très pratico-pratique, très professionnalisant et très intéressant. Je me souviens encore d’un cas pratique de lobbying sur une Directive européenne, d’une simulation d’une réunion du Conseil ou de l’évaluation que nous avons dû conduire d’une politique publique de l’Union européenne.
Je suis arrivé à Bruxelles pour un premier stage à l’Alliance européenne des petites entreprises qui représentait les TPE/PME auprès de l’UE. C’était un premier stage où j’ai surtout fait de la veille sur des sujets très larges.
J’ai ensuite réalisé un second stage au Parlement européen auprès du cabinet de Rachida Dati. J’ai d’avantage pu découvrir les coulisses du Parlement et du travail parlementaire.
Fort de cette deuxième expérience, j’ai obtenu mon premier contrat professionnel à la fédération européenne des constructeurs européens automobiles, au moment où se discutait la réglementation sur l’émission de CO2 des véhicules, enjeux majeurs pour ces industriels.
C’était un contrat temporaire pour remplacer un congé maternité. Je suis resté six mois. Une opportunité s’est ensuite présentée pour revenir au Parlement européen, au sein de l’équipe de Françoise Grossetête. Je me suis occupé des dossiers qui touchaient à la politique industrielle, puisqu’elle siégeait, notamment, à la Commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (ITRE).
J’ai ensuite basculé sur les sujets de la commission ENVI où j’ai travaillé, entre autres choses, sur les différentes politiques de santé et sur la réglementation du médicament. Je suis resté 5 ans et demi au côté de Françoise Grossetête.
En 2019, elle a choisi de ne pas se représenter. J’avais le sentiment d’être arrivé au bout de mon expérience au Parlement européen et je voulais poursuivre ma vie professionnelle du côté de l’entreprise. Je suis alors entré dans un processus de recrutement chez BIOGARAN, qui embauchait un Responsable des affaires publiques pour une création de poste.
La spécificité du travail avec les élus: entre richesse et exigence
Comment travaille-t-on avec un député au quotidien ?
C’est un job qui est très exigeant et qui requiert énormément de disponibilité. C’est une relation très personnelle qui s’installe où la confiance est primordiale. Pour ce qui est du Parlement européen, nous sommes de petites équipes en mode commando et la cohésion est très importante. Je pense que c’est un peu différent au niveau national.
Dans tous les cas, la vie professionnelle dans le monde politique a des exigences particulières, indépendamment des partis, qui sont souvent éloignées des pratiques managériales classiques de l’entreprise. C’est formateur et incroyablement enrichissant, mais j’ai aussi trouvé cela très exigeant, probablement car la députée pour laquelle je travaillais était très exigeante vis à vis d’elle même. C’est de la politique, il y a par ailleurs des jeux de pouvoir et des personnalités dont il faut tenir compte.
Ceci étant dit, la députée pour laquelle je travaillais était une personnalité très attachante, auprès de laquelle j’ai beaucoup appris. Nous formions une équipe très soudée et très complémentaire: je me suis vraiment éclaté au parlement européen !
Je crois qu’il est indispensable d’avoir une équipe solidaire pour compenser les travers que peut avoir le travail politique et parlementaire.
Tu es rapidement exposé à des responsabilités importantes et à des gens d’un certain niveau de compétence. Tu dois parfois prendre des décisions à fort impact très vite. C’est très polyvalent, tu touches à tout. C’est vraiment une superbe expérience.
Que retires-tu de cette expérience ? Qu’est-ce-que tu as préféré?
C’est difficile, il y a eu tellement de choses ! Je pense que le plus important, c’est la relation avec mes collègues. Ils sont devenus des amis très proches. On a traversé énormément de moments intenses ensemble. C’est ce qui m’a le plus marqué et le plus formé. C’était très impactant.
Ensuite, la diversité des missions et les voyages. J’ai énormément voyagé en Europe pour des réunions. J’adorais ça. Le lundi j’étais dans une capitale européenne pour un congrès du PPE et le samedi matin j’accompagnais ma députée pour la fête de la fédération LR du Rhône à Rillieux-la-Pape. On ne peut pas faire ça toute sa vie car c’est fatiguant, mais c’était vraiment très sympa.
Une anecdote sympathique à partager?
Il y a un événement qui me revient en tête. Un cadre sup de l’industrie, retraité, avait monté, en PACA, l’Observatoire Français d’Apidologie. Il travaillait sur la préservation des abeilles et la reproduction des reines. Nous avons été amenés à l’épauler sur ce sujet.
Un jour, il organise l’inauguration d’un centre dans le Massif de la Sainte Baume au fin fond du Var . Il avait fait venir pleins d’élus en 4×4. On se retrouve donc là, en plein milieu d’une clairière, au coeur du Massif.
À la fin du déjeuner, Stéphane Le Foll, débarque en Berline sur des chemins de terre au fin fond de la garrigue. Gros décalage. Puis d’un coup, on voit un hélicoptère approcher et se poser…. C’était celui du Prince Albert de Monaco. J’étais donc en plein milieu de cette forêt avec le ministre de l’agriculture et le Prince de Monaco, c’était un peu surréaliste, mais assez marrant. L’ Observatoire existe toujours aujourd’hui et a par exemple créé un cursus de formation professionnelle spécifique en apidologie.
Assistant-militant
Faut-il être militant pour devenir assistant parlementaire?
Je n’étais pas tout à fait militant au moment de mon recrutement, mais je me suis très vite intéressé au fonctionnement du parti. Je pense que c’est important, car cela permet de vivre pleinement l’expérience. Il faut un minimum de sens politique pour faire ce métier et il est nécessaire de connaître les élus sur le terrain. Par la force des choses je suis devenu un peu militant.
Je n’ai pas eu l’occasion de faire la campagne électorale , mais je me suis engagé au moment de la primaire. Je pense que cela fait vraiment partie de l’expérience. On fait ce métier car la politique nous passionne . Si on ne partage pas les idées politiques de son parlementaire, cela rend les choses très compliquées.
J’accompagnais souvent la députée sur le terrain pour rencontrer des citoyens et des militants. C’était très enrichissant. Cela permettait de rencontrer de « vrais gens » sur le terrain et de sortir de sa tour d’ivoire bruxelloise.
Il y a tous les types de profils au Parlement européen, certains sont militants, d’autres non. Souvent les profils sont plus techniques au Parlement européen qu’à l’Assemblée nationale. Les assistants travaillent donc plus sur le fond des dossiers et ils sont parfois moins engagés politiquement.
La transition publique privée
Pourquoi les affaires publiques ? Pourquoi Paris ?
Très prosaïquement, car j’ai suivi ma femme qui avait une opportunité professionnelle à Paris. Sinon je serais peut-être resté à Bruxelles. J’avais aussi envie d’une expérience au niveau national. Je n’avais pas envie de faire des affaires publiques trop “théoriques” comme c’est parfois le cas à Bruxelles. Je voulais du concret et je voulais pratiquer les affaires publiques d’une façon qui soit très liée aux enjeux business de l’entreprise.
C’est ce qui m’a aussi orienté vers le médicament qui est un secteur éminemment réglementé, puisque les prix sont fixés par les États. Les interactions avec la sphère publique sont donc très présentes et particulièrement stratégiques car fondamentales pour la bonne marche de l’entreprise.
Les compétences en matière d’organisation du système de soin se situent davantage au niveau national où les décisions se prennent par ailleurs beaucoup plus vite. On est dans l’action permanente !
Travaillais-tu avec BIOGARAN lorsque tu étais assistant parlementaire?
Absolument pas car l’entreprise n’est pas présente au niveau européen puisque le principal marché est français, avec une filiale au Nigéria et une au Brésil. BIOGARAN n’était pas du tout impliqué au niveau européen.
Comment as-tu fait la différence lors du processus de recrutement?
Peut être grâce à mon expérience institutionnelle, mêlée à une certaine maîtrise technique des dossiers et des sujets liés à la santé.
Ceci étant, je fais des choses très différentes de ce que je faisais au niveau européen. Les interlocuteurs sont également très différents. J’utilise assez peu mon réseau bruxellois, c’est une nouvelle vie et un nouveau monde.
Ils étaient assez ouverts sur le profil. C’est souvent une question de posture je pense. Les postes sont assez exposés, assez stratégiques et je ne suis pas sûr qu’il faille vraiment cocher des cases standardisées. C’est avant tout une question de confiance et de posture.
À quoi ressemble ta journée de Responsable affaires publiques?
Je commence souvent le matin par des activités de veille. Je passe en revue toutes les newsletters que je reçois.
Les journées sont ensuite assez différentes, généralement ponctuées de nombreuses réunions tant en interne qu’en externe.
Évidemment, la partie réseautage est importante, mais courir partout comme un poulet sans tête ça ne fait pas avancer les dossiers. Il faut voir les bonnes personnes au bon moment si on veut être impactant. Les rendez-vous externes peuvent être plus ou moins éparses.
Cela demande par ailleurs un important travail en interne pour construire des positions crédibles, réunir les chiffres, les éléments probants, se mettre d’accord quand il y a des intérêts divergeant entre les différents métiers de l’entreprise, etc.
Il y a un énorme travail en interne à faire pour crédibiliser les affaires publiques et la direction que prend l’entreprise. C’est un travail d’interface qui fonctionne dans les deux sens (entreprise/institutions). Passer énormément de temps dans des rendez-vous externes ne permet pas de faire des miracles si on est pas bien préparé en amont !
J’essaye en revanche de déjeuner dehors pour entretenir mon réseau et m’ouvrir à de nouvelles personnes. Je participe souvent à des colloques et des conférences (avant la covid-19).
La réalité du métier est loin du cliché champagne petit fours. La crédibilité et le travail de fond sont déterminants. Sur une thématique technique, ce qui m’aidait le plus lorsque j’étais assistant, c’était d’avoir des gens en capacité de m’apporter un éclairage technique de manière intelligible. Je n’avais pas besoin de vagues généralités.
Cela reste un travail de bureau, mais dans lequel le relationnel compte énormément.
Leave a Reply